"À ce jour, aucune marmotte impliquée dans ce récit n'a porté plainte."

Une nouvelle fois, Vincent Villeminot et Yann Autret réussissent leur coup un peu fou, un peu dingue : faire rire sur plusieurs degrés différents, mais toujours avec une intelligence étonnante. La famille normale de Madoloup part cette fois-ci pour des montagnes pleines de danger pour échapper à l’armée et accessoirement les zombies. C’est sans compter l’inexpérience de VanZan, une Sarouchka super-héroïne et des effrayants AHN (mais qu’est-ce que les AHN ? Allez, aidez-vous du titre…)
Ce qui fonctionne avec cette saga, c’est ce côté décalé, cette absurdité montée avec une évidence pleine de finesse. Tout tient en un stratagème simple, mais redoutable : les deux auteurs invitent le lecteur à prendre pour acquis toute une culture geek et un tant soit peu américaine, il faut le dire, qui forge notre culture populaire : les zombies, et maintenant les AHN (allez encore un effort !) ou les super-héros.
A partir de là, tout est possible dans l’histoire, et on ne lésine pas sur les moyens, tout comme un gros blockbuster américain : bras coupés, zombies en masse, personnages faussement caricaturés ou grosses scènes de bataille où on ne sait plus trop ce qu’il se passe. C’est jouissif mais aussi réfléchi. C’est avec cette base délirante que les auteurs jouent sur l’absurde : les personnages ne s’étonnent pas, l’intrigue avance comme si tout était normal et les auteurs s’en amusent, nous font rire, en jouent avec une telle finesse qu’on prend tout pour crédible.
Et finalement, la famille reste, elle, (à peu près) normale. Au milieu de tous ces bains de sangs, cet humour presque satirique et ce délire jouissif, les personnages gardent une certaine épaisseur, une douceur, un rayonnement. La famille se chamaille et s’anime, s’aime et se chipote. C’est un attachement particulier qui nous y lie, c’est une émotion particulière qui nous rattache à quelque chose de plus sensible car on se reconnaît forcément dans leurs relations ou leurs émotions. Et finalement, c’est parce qu’on accepte de croire en eux, qu’on accepte de croire en tout le reste.
Ainsi, les deux auteurs opposent cette famille dite « normale » à ce monde totalement décalé et explosif qui nous fait un peu plus rire à chaque page. Et pour mettre tout cela en forme, un style absolument brillant et des illustrations décapantes. Le ton est vif et cocasse, la voix unique, l’illustration explosive et singulière. L’absurdité y atteint son comble car Vincent Villeminot et Yann Autret jouent des codes du roman graphique, s’en écartent et s’en moquent, se les approprient avec une vraie adresse. Il y a des pages de jeux totalement incohérents au milieu de l’histoire, des passages où on peut gribouiller ou écrire avec une place illimitée à un petit coin de la page, et surtout un humour perpétuel sur l’écriture ou le dessin : un illustrateur à la main cassée ? on avertit le lecteur ! Une page de pubs ? tant qu’on reste dans le thème des AHN, tout va bien !
Ma famille normale contre les yétis, comme le premier tome, fait rire : on se tord à chaque page et on en redemande. Mais c’est plus qu’un humour cocasse et de l’absurdité délirante. C’est réfléchi : la lecture est double, soit on prend tout au sérieux, soit on en rigole. Ou un peu des deux à la fois. Dans tous les cas, le livre séduit. Le duo d’auteur prouve une nouvelle fois qu’il fonctionne : c’est simplement hilarant et brillant.
(Psst, AHN, ça veut dire Abominable Homme des Neiges.)



Depuis que ma petite sœur se prend pour une super-héroïne, nous avons des super-ennuis.
Poils aux yétis.


Par Vincent Villeminot et Yann Autret
Aux éditions Nathan Jeunesse
256 pages
14,90 €

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